Alors que les consommateurs sont de plus en plus sensibilisés aux enjeux environnementaux et attendent des marques des actions écoresponsables ainsi qu’une prise de conscience écologique, la notion de durabilité dans la relation client est devenue essentielle pour les entreprises.
Dans cette interview de Laurence Payen, spécialiste du marketing relationnel et de l’expérience client au sein de l’entreprise ADIX, Laurence nous explique comment les entreprises peuvent cultiver une relation de fidélité avec leurs clients tout en respectant leurs attentes.
Nous examinerons la notion de durabilité dans l’expérience client, les éléments clés d’un programme relationnel responsable et durable, et les défis associés à l’intégration de la durabilité dans un programme relationnel.
Photo : Laurence Payen (juillet 2024)
Qu’est-ce que la durabilité ? En quoi est-elle importante pour les entreprises et les consommateurs ?
De manière générale, la durabilité fait référence au développement durable et ne s’arrête pas à une notion écologique. Elle regroupe 3 piliers principaux, environnemental, économique et social.
Dans un contexte d’expérience client, la durabilité questionne la réalité des besoins et appelle à dimensionner l’offre afin d’éviter la surconsommation. Par exemple, des marques telles que Sézane ou la Camif ne participent pas au Black Friday, dans le but d’encourager des achats responsables et non poussés par les promotions. Pour la Camif par exemple, « Le vrai coût des prix bas est social et environnemental. Les seules réductions qui comptent sont celles de notre empreinte carbone. ».
Pour une entreprise, être dans une démarche d’expérience client durable suppose de développer une offre de produits et services de manière circulaire, en prenant en compte des étapes comme la gestion de la fin de vie (réparation, recyclage…).
« Chez Adix, nous avons beaucoup travaillé sur le sujet en élaborant des personae durables B2B et B2C et, en réponse à leurs attentes et besoins, en construisant des parcours clients circulaires qui intègrent l’ensemble de la chaîne de valeur. »
Notons que, même si les sondages tendent à indiquer que de nombreux consommateurs sont prêts à payer plus cher pour des marques engagées sur le plan RSE, les choix opérés lors du passage en caisse sont souvent contradictoires. Entre l’intention et l’action, il y a souvent un grand décalage, et c’est particulièrement marqué en période de crise du pouvoir d’achat. Le succès des modèles low cost proposés par des marques comme Shein ou Temu vient corroborer cette idée.
C’est là que les entreprises engagées ont un rôle à jouer, en faisant de la pédagogie et en accompagnant les consommateurs vers des achats responsables. Pourquoi ne pas inviter à acheter moins mais mieux ? Cela n’est certes pas aisé et suppose de faire un « pas de côté ». Rappelons-nous, fin 2023, la polémique suscitée par la campagne de communication de l’Ademe avec les « dévendeurs »…
Les éléments clés d’un programme relationnel durable.
Il est possible de construire un programme relationnel (ou programme de fidélité) durable, grâce à différents leviers :
- Avantages transactionnels : Plutôt que de récompenser les achats sous forme d’avantages financiers, pourquoi ne pas offrir de points en contrepartie d’actions vertueuses ou bien pourquoi ne pas permettre de transformer ces mêmes points en actions sociétales et environnementales ? Par exemple, les points acquis grâce au programme de fidélité d’Yves Rocher peuvent servir à planter des arbres, en s’appuyant sur les actions de la Fondation Yves Rocher.
- Avantages serviciels : Il est intéressant en matière de services de valoriser la circularité. Pourquoi ne pas faire gagner des bonus de points en cas de réparation ou de recyclage de produit ? A titre d’exemple, les clients du programme de fidélité de Decathlon gagnent des bonus de points lors de la revente de leur matériel sportif.
- Communication : Employer une communication sincère et transparente (newsletters, réseaux sociaux…), qui véhicule les valeurs de la marque, encourage les bonnes pratiques, crée de l’engagement.
- Data responsable : Les programmes relationnels permettent de collecter des informations clients très riches (données d’achat, canaux de consommation…). Utiliser cette connaissance client à des fins de personnalisation permet de communiquer moins mais mieux et donc d’éviter la « sur-pression » commerciale.
Les défis de l’intégration de la durabilité dans les programmes relationnels.
Il y a un paradoxe apparent : si les programmes de fidélité ont vocation à créer du réachat, notamment au travers d’avantages financiers, comment pourraient-ils être durables et responsables ?
En réalité, les programmes relationnels visent avant tout à créer une préférence de marque et de l’engagement client : le client choisit d’acheter dans cette marque plutôt que dans une autre car il apprécie ses produits, il adhère à ses valeurs…
On place ainsi le point de bascule entre consommation et sur consommation, là où les incitations offertes par le programme encouragent les clients à dépenser au-dessus de leurs besoins et capacités financières avec, par exemple, des promotions fréquentes.
Mais le programme doit pouvoir capitaliser sur les actions de la marque en matière de durabilité, sous peine de ne pas être crédible, voire sous peine de ne pas pouvoir tenir sa promesse. C’est bien au travers de sa Fondation qu’Yves Rocher encourage la plantation d’arbres, puis les points accumulés dans le cadre du programme de fidélité vont permettre d’accélérer et amplifier cette action. Et si Decathlon peut bonifier en points la revente de matériel sportif, c’est bien parce que l’enseigne a mis en place une filière « seconde vie » permettant la collecte et la revente d’équipements.
Le défi est donc avant tout d’intégrer des pratiques durables dans l’entreprise et ses marques. Le programme pourra ensuite s’appuyer sur ces pratiques, les valoriser.
L’intégration de la durabilité dans les programmes relationnels et plus globalement au niveau de l’expérience client, n’est pas seulement une tendance mais plutôt une nécessité pour les entreprises.
S’engager dans un business durable permet à une entreprise, non seulement de réduire ses impacts environnementaux, mais aussi d’améliorer son image auprès de ses clients et collaborateurs, cela crée de l’engagement et conduit à davantage innover. C’est vertueux !