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Data, IA, Art comment le Comité Régional touristique des Hauts de France innove et rend actionnable sa stratégie liée au ressourcement.

Rédigé par Olivier Guillouzouic | 7 sept. 2025 20:32:40

Introduction : L’art du ressourcement à l’ère de la donnée.

Le 5 septembre dernier, au cœur du musée Matisse du Cateau-Cambrésis, une conférence unique et singulière s’est tenue sous l’impulsion du Comité Régional du Tourisme des Hauts-de-France. Le décor ne pouvait être mieux choisi : entourés des œuvres vibrantes du maître Henri Matisse, chercheurs, praticiens, acteurs du tourisme et du bien-être se sont réunis pour explorer une question cruciale : comment l’art peut-il contribuer à notre santé mentale, et comment le tourisme peut-il devenir un art de se ressourcer ?

Jean-Philippe Gold, président du Comité Régional du Tourisme, a ouvert la séance en introduisant un mot clé : ressourcement. Dans une société marquée par l’hyper-connexion, l’accélération des rythmes de vie et la montée du stress, il devient vital d’offrir aux individus des espaces et des expériences qui leur permettent de retrouver énergie, sérénité et émerveillement. Loin d’être un simple slogan, cette vision résonne comme une véritable stratégie territoriale et humaine : le tourisme, l’art et la culture peuvent devenir des thérapies sociétales, capables de répondre aux malaises de la modernité.

Jean-Philippe Gold est aussi revenu sur les mutations de l'économie touristique en cours en étayant son propos d'exemples concrets et en soulignant à la fois l'économie de la Data, les impacts de l'IA, les changements sociétaux...

En effet pour que ces ambitions se traduisent en actions concrètes, un levier apparaît incontournable : la donnée. Car en parallèle des intuitions et des émotions, la mesure, l’analyse et l’exploitation intelligente des données permettent de transformer ces expériences en stratégies déployables, réplicables et mesurables. C’est précisément là que Fourseeds s’inscrit : en tant que partenaire technologique longue date nous accompagnons la région comme architecte data du ressourcement, nous offrons les outils nécessaires pour comprendre, personnaliser et amplifier ces approches innovantes.

 

                Jean-Philippe Gold, Président du Comité Régional du Tourisme des Hauts de France, introduisant la conférence.

 

Sommaire

 

1. Le ressourcement : une réponse sociétale aux maux modernes.

2. Quand l'art soigne et quand le tourisme se transforme.

3. Quand la data devient catalyseur du ressourcement.

4. Conclusion

 

1. Le ressourcement : une réponse sociétale aux maux modernes.

Une société hypermoderne sous tension

Les chiffres présentés lors de la conférence sont sans appel. Selon l’Observatoire du stress de la Fondation Ramsay Santé, 59 % des Français se déclarent stressés en 2025, contre 51 % en 2017. En parallèle, la fatigue cognitive a augmenté de 15 % entre 2019 et 2024 (source : HAS – Programme FIBROFEM). Enfin, près de 7 % des actifs, soit environ 30 000 personnes, ont été victimes d’un burn-out sévère en 2024, un chiffre deux fois plus élevé qu’en 2020 (source : Institut de veille sanitaire).

Ces données illustrent une réalité brutale : nous vivons dans une société hypermoderne, où l’accélération permanente, l’incertitude et l’infobésité cognitive fragilisent nos équilibres psychiques. Les mots-clés de cette époque – performance, connexion, productivité – se paient souvent au prix fort : celui de la santé mentale.

Le tourisme, longtemps considéré comme une simple échappatoire ou une parenthèse récréative, se voit confier une mission plus vaste : apporter des réponses aux maux de la société. Comme l’a souligné le sociologue Jean-Didier Urbain : « Le tourisme est une réponse aux maux de la société ». Mais pour être pleinement efficace, cette réponse doit aller au-delà du divertissement. Elle doit devenir un véritable outil de régénération.

Les 7 types de fatigue : comprendre pour mieux agir

L’un des apports marquants de la conférence fut la présentation des 7 types de fatigue identifiés par la médecine contemporaine (Dr Saundra Dalton-Smith). Ces typologies montrent que la fatigue n’est pas un concept unique, mais une réalité plurielle :

  1. Fatigue physique : liée à l’effort corporel et au manque de sommeil.

  2. Fatigue cognitive : surcharge d’informations, concentration prolongée.

  3. Fatigue émotionnelle : usure liée à la gestion des émotions et à l’empathie.

  4. Fatigue sociale : saturation des interactions, besoin d’isolement.

  5. Fatigue spirituelle : perte de sens, manque d’élan vital.

  6. Fatigue sensorielle : surexposition aux bruits, écrans et stimulations.

  7. Fatigue créative : épuisement face au besoin constant d’innover ou d’imaginer.

Chacun de nous peut être touché simultanément par plusieurs de ces formes de fatigue. Comprendre ces nuances est essentiel pour concevoir des stratégies de ressourcement efficaces.

Les 8 types de repos : des antidotes adaptés

À ces 7 fatigues répondent 8 types de repos, véritable boussole pour retrouver équilibre et vitalité :

  • Repos physique (sommeil réparateur, relaxation corporelle).

  • Repos mental (diminution des sollicitations cognitives, méditation, art contemplatif).

  • Repos émotionnel (expression et accueil des émotions, art-thérapie).

  • Repos social (retrouver des relations positives, limiter les interactions toxiques).

  • Repos spirituel (connexion à la nature, au beau, au sens de la vie).

  • Repos sensoriel (déconnexion des écrans, immersion dans des environnements apaisants).

  • Repos créatif (stimulation par l’art, la culture, l’imaginaire).

  • Repos cognitif (alternance des tâches, réduction de la surcharge mentale).

Ces antidotes forment une grille d’intervention précieuse : ils permettent de concevoir des expériences adaptées, capables de répondre à des besoins spécifiques. Par exemple, une exposition immersive dans un musée peut offrir du repos sensoriel et créatif ; une marche guidée en forêt combine repos physique et spirituel ; une résidence artistique favorise le repos émotionnel et cognitif.

Le tourisme comme art de se ressourcer

Dans ce contexte, le tourisme prend une nouvelle dimension. C'est véritablement porté par cette vision que Jean-Philippe Gold affirme qu'il ne s’agit plus seulement de distraire, mais de permettre de passer du temps subi au temps choisi, de réactiver la capacité d’émerveillement, et de resserrer les liens avec ses proches.

Cette vision repose sur des valeurs profondément ancrées dans l’identité des habitants des Hauts-de-France : générosité, authenticité, innovation et goût du travail bien fait. Le ressourcement devient ainsi un axe stratégique : créer des expériences qui combinent ralentissement, contemplation, innovation et lien social.

Pour autant, ce virage ne peut pas reposer uniquement sur de belles intentions. Il suppose une structuration rigoureuse, des indicateurs précis, et une capacité de personnalisation. C’est ici que la donnée joue un rôle décisif, en permettant d’objectiver les besoins, de mesurer les impacts et d’optimiser les parcours.


                                                                     Pierre Lemarquis lors de la conférence

2. Quand l’art soigne et quand le tourisme se transforme.

Les apports de l’art sur le cerveau et la santé mentale

L’art comme thérapie naturelle

Lors de la conférence du musée Matisse, le neurologue Pierre Lemarquis, auteur de L’Art qui guérit, a rappelé que l’art n’est pas un simple divertissement visuel : il agit en profondeur sur notre cerveau et notre physiologie. Selon ses travaux, la contemplation d’une œuvre d’art provoque une meilleure irrigation cérébrale, stimule la production de neurotransmetteurs du bien-être (dopamine, sérotonine) et favorise une harmonisation émotionnelle.

Ces « bains d’art », pour reprendre son expression, fonctionnent comme des médications non médicamenteuses : ils réduisent le stress, améliorent l’attention et développent la résilience psychique. L’émotion esthétique, loin d’être superficielle, devient un levier de santé publique.

Pierre Lemarquis, auteur d'une sémillante présentation, a tout de même rappelé que "ce n'est pas l'art qui guérit mais l'art qui donne envie de guérir" et d'ajouter que "l'art sculpte et caresse le cerveau".

Son intervention fut riche, passant de l'expérience de Claude Beranrd et sa notion de "milieu intérieur" à l'auteur Mauritien Le Clézio qui vite une expérience unique avec les indiens d'Amazonie Pierre Lemarqui reprenant à son compte un de ce citations et de conclure : "Un jour on saura qu'il n'y avait pas d'art mais seulement de la médecine".

La prescription culturelle : un nouvel horizon médical

L’intervention de Laure Mayoud, psychologue clinicienne, allait dans le même sens. D'ailleurs Laure Mayoud s'est appuyée sur Pierre Lemarquis ainsique d'autres chercheurs pour fonder un module dédié à l'université de Lyon Claude Bernard.  En fondant l’association Invitation à la beauté, elle a développé le concept de prescriptions culturelles : intégrer les œuvres d’art et les expériences culturelles comme compléments à des traitements médicaux.

Plutôt que de prescrire uniquement des médicaments, Laure Mayoud nous a lu des témoignages saisissant des patients lourdement touchés par la maladie qu'elle a accompagné grâce à la poésie et la peinture notamment : l’art est une ressource thérapeutique universelle, accessible à tous et porteuse de transformation.

Un langage universel

L’art touche à ce qui est profondément humain : l’émotion, le sens, la beauté, l’émerveillement. Là où les mots échouent, une peinture, une sculpture ou une musique ouvrent des portes invisibles. C’est ce langage universel qui permet de réparer les liens abîmés avec soi-même, avec les autres et avec le monde.

À l’heure où la santé mentale devient un enjeu majeur, l’art offre une réponse précieuse. Mais pour qu’elle devienne une stratégie déployable à grande échelle, il est nécessaire de la structurer, de la mesurer et de l’intégrer dans des politiques globales de bien-être.

3. Quand la data devient catalyseur du ressourcement.

Vers une économie du ressourcement

Les mutations de l’économie touristique

Dès l'introduction Jean-Philippe Gold a fait part des mutations de l’économie touristique. Autour du cercle central « Les mutations de l’économie touristique » figuraient des tendances puissantes :

  • Économie de la relation (considération) : les visiteurs ne veulent plus être des numéros, mais être considérés dans leur singularité.

  • Économie de la data : la donnée devient un actif stratégique pour comprendre et personnaliser les expériences.

  • Économie de la performance de l’expérience client et collaborateur : la qualité perçue ne repose plus uniquement sur le service, mais sur l’expérience globale.

  • Économie de l’attention : capter et retenir l’attention des visiteurs dans un monde saturé de sollicitations.

  • Préoccupation sociale et environnementale : un tourisme responsable et durable devient incontournable.

  • Économie de la transformation : offrir des expériences qui transforment les individus, au-delà du simple souvenir.

  • Impacts de l’IA : l’intelligence artificielle modifie la relation aux destinations et permet une hyperpersonnalisation.

  • Économie des plateformes digitales internationales : la concurrence mondiale oblige les territoires à se différencier.

  • Économie de l’expérience : au cœur de cette mutation, l’expérience devient la nouvelle monnaie d’échange.

Cette cartographie illustre une conviction forte : le tourisme du futur n’est plus une industrie du service, mais une économie de l’expérience et du ressourcement.

Le tourisme comme espace de transformation

Dans ce cadre, l’art et la culture deviennent des piliers. Une visite de musée, une immersion dans une exposition, une rencontre avec une œuvre ne sont pas des consommations passives, mais des expériences transformatrices. Elles peuvent redonner du sens, apaiser, inspirer, reconnecter.

L’enjeu pour les territoires est donc double :

  1. Créer des expériences de ressourcement qui répondent aux multiples formes de fatigue.

  2. Mesurer et valoriser ces expériences pour démontrer leur impact sur la santé, le bien-être et la société.

L’approche systémique : quand la data devient catalyseur.

Croiser les disciplines pour mieux comprendre

Lors de la conférence, un schéma marquant illustrait une approche systémique : au centre, le tourisme de ressourcement, entouré par cinq disciplines complémentaires – marketing, sociologie, neurosciences, santé et philosophie appliquée. Chacune de ces disciplines éclaire une facette de l’expérience :

  • Le marketing analyse les comportements et les attentes.

  • La sociologie observe les dynamiques sociales et les rituels collectifs.

  • Les neurosciences étudient les réactions du cerveau face à l’art, à la nature, aux interactions humaines.

  • La santé mesure les effets sur le bien-être, le stress, la fatigue.

  • La philosophie appliquée redonne sens et valeur aux pratiques de ressourcement.

Mais c’est la donnée qui joue le rôle de lien entre ces mondes. Sans data, ces disciplines resteraient cloisonnées ; avec elle, elles convergent vers une compréhension globale et mesurable.

La donnée comme langage commun

En captant et en structurant les données issues des différents champs (fréquentation des musées, retours d’expérience, capteurs de bien-être, enquêtes de satisfaction, biométrie, etc.), il devient possible de créer un langage commun. Ce langage n’est pas réservé aux chercheurs : il permet aux décideurs publics, aux acteurs culturels et aux opérateurs touristiques d’évaluer l’efficacité des actions et d’optimiser leurs offres.

Prenons un exemple concret :

  • Un musée souhaite démontrer que ses expositions contribuent à la réduction de la fatigue cognitive.

  • Des données sont collectées avant et après la visite (questionnaires, capteurs physiologiques, analyse comportementale).

  • Ces données sont agrégées et analysées.

  • Résultat : une preuve scientifique de l’impact positif de l’expérience, qui peut être valorisée auprès des financeurs, des politiques publiques et du grand public.

Mesurer pour transformer

Là où le ressourcement pouvait sembler intangible, presque mystique, la data permet d’objectiver ses effets. On passe d’une approche qualitative (« les visiteurs se sentent mieux ») à une approche quantifiée et validée scientifiquement (« 73 % des visiteurs rapportent une baisse de 20 % de leur niveau de stress »).

Cette objectivation change tout : elle permet de convaincre les financeurs, de légitimer les politiques de santé et de positionner un territoire comme pionnier de l’innovation touristique.

 

4. Conclusion

Après une introduction de haute volée par son Président Jean-Philippe Gold, nous avons pu approfondir les notions de ressourcement dans un monde hyper-moderne et stressant.

Les interventions de Pierre Lemarquis et Laure Mayoud ont permis d'ouvrir des horizons sur le bienfait des œuvres d'art sur la santé mentale avec des cas concrets, étayés par des témoignages de patients qui ont pu témoigné de l'impact positif de l'accompagnement des oeuvres dans leur thérapie même si ces prescriptions culturelles ne remplacent pas la posologie et les soins.

Portée par cette vision du ressourcement et l'avancée des recherches sur la santé mentale Jean-Philippe Gold met en place une stratégie opérationnelle au sein des lieux de tourisme que sont en particulier les musées.

Des instants inspirants, des cas d'usage concrets nous sommes très heureux d'accompagner les institutions dans l'impact positif qu'elles ont auprès des patients mais aussi tout un chacun confronté à un environnement hyper-moderne et stressant.